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lieutenant Pol. Ils établirent les voiles et se laissèrent emporter par une brise de sud-ouest.

Il était dix heures du matin quand ils partirent ; il en était onze du soir, et le soleil était à la limite de l’horizon du sud quand ils rentrèrent. Ils avaient parcouru 16 milles avant d’atteindre le pied des falaises de glace.

Là, leur curiosité avait été promptement éveillée par la bizarrerie de ces falaises, qui leur parurent plutôt posées sur un socle de granit qu’immergées elles-mêmes dans l’océan. Ils furent promptement édifiés à ce sujet.

L’énorme mur de glaces n’avait aucun contact avec l’eau. Il reposait sur une sorte de corniche prodigieuse, une table de console, elle-même enfoncée à pic dans les profondeurs de l’abîme. Le lieutenant Pol fit sonder. À 225 brasses, on ne trouvait pas encore le fond.

Dès lors, tout s’expliquait. La masse océanienne qui sépare le pôle des terres les plus voisines, comme l’île Courbet ou le cap Washington, roule en volutes prodigieuses des eaux réchauffées par un courant souterrain ou par la présence de quelque latente fournaise. Le froid n’exerce plus d’action sur elle à ces niveaux, et la seule surface exposée au-dessus des eaux subit l’influence des grands abaissements de la température.

D’Ermont et Pol conclurent que le pôle lui-même devait être une grande île entièrement revêtue de glace. Il fallait renoncer désormais à y parvenir, puisque la barrière des blocs monstrueux n’avait aucune fissure, aucun degré permettant le passage ou tout au moins l’escalade.

Quand ils rentrèrent, ils trouvèrent le camp en grand émoi.

Il était survenu un incident de la plus haute gravité.

Mlle de Kéralio avait disparu.