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sa morne monotonie ; le ciel, maintenant tout gris, avait des aspects de linceul pesant sur la terre.

Rien n’annonçait l’approche de cette muraille de glace que d’Ermont et Schnecker n’avaient pu franchir à l’aide de l’aérostat. Avait-elle donc changé de place, s’était-elle fondue, ou bien les deux hommes n’avaient-ils été que les jouets d’une hallucination, les victimes du vertige des glaces ?

Cette question hantait l’esprit d’Isabelle. Malgré l’énergie surhumaine qui la soutenait, elle ne pouvait se défendre d’un sombre désespoir. On touchait aux derniers jours d’août, et l’on n’était pas plus avancé qu’aux premiers.

Brusquement, le matin du 26, les voyageurs eurent comme un éblouissement.

Ils venaient de relever la latitude du point : 87° 44′. Le firmament, barbouillé d’épaisses brumes, leur parut cependant plus clair et plus haut qu’à l’ordinaire. Le vent, très fort pendant la nuit, était tombé. Un calme insolite, inexplicable, régnait dans l’atmosphère. En même temps, par un de ces caprices étranges auxquels on s’était habitué, le mercure remontait dans le thermomètre. Il ne marquait plus que 12 degrés au-dessous de zéro.

Soudain, sans que rien fit pressentir un tel changement, le rideau de vapeurs se déchira du haut en bas. Le soleil, voilé depuis une semaine, se montra rayonnant, et ses lueurs éclatantes mirent de l’or en fusion sur toute la surface du pack. Les glaces bleues étincelèrent, pareilles à de gigantesques diamants, et, d’un bout à l’autre de la plaine gelée, ce fut un ruissellement de couleurs incomparables.

Isabelle ne put retenir un cri d’admiration. Elle joignit les mains.