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de glace du navire, et s’y dressaient, à la manière des chiens qui font les beaux.

« Attention ! répéta Hardy. Voici le moment ! La hausse à cinquante mètres !

— Pauvres bêtes ! proféra le Breton. Ça me fait de la peine de les tuer maintenant.

— Dis donc, toi ; riposta quelqu’un, tu ne voudrais pas peut-être les nourrir à perpétuité ? Descends un peu pour voir s’ils auront la même tendresse pour ta viande.

— D’ailleurs, conclut le commandant, autant qu’on en tue, il en restera encore assez pour faire un joli chenil. »

Il n’y eut pas d’autre réflexion. Le second « paquet » fut envoyé par-dessus bord, et produisit le même remous tourbillonnant qui avait salué le premier.

Seulement, cette fois, il fut suivi d’une débandade générale. Les sept fusils venaient d’accomplir leur œuvre de destruction en masse. Dix cadavres jonchaient le sol.

Les spectateurs eurent alors sous les yeux une scène qui les édifia sur la vérité du proverbe : « Les loups ne se mangent pas entre eux ». Saisies par leurs congénères, les bêtes, palpitantes encore, furent traînées et dévorées en quelques minutes, et ce banquet fraternel permit aux marins d’approvisionner les survivants au moyen de nouveaux massacres.

Mais, à partir de ce moment, les loups, instruits à leur détriment cessèrent de s’approcher du navire.

Si bien que le commandant Lacrosse, au bout de quelques moments d’observation, fit au lieutenant Hardy une très judicieuse remarque.

« Nous avons voulu les retenir, dit-il, je crains que nous n’y ayons trop bien réussi. »