Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/231

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Sans compter, commandant, que pour leur aider la digestion, nous leur donnerons des pruneaux au dessert. »

Pendant ce gai dialogue, les loups se rapprochaient sans trop de méfiance.

« Il faut croire qu’ils n’ont jamais vu d’hommes, dit Hardy. Mais ce n’est pas tout ça. Attention, garçons. Quand on versera la seconde pâtée, vous ferez feu en bloc, pas sur les premiers rangs, mais derrière, dans le tas, de manière que les mangeurs n’aient pas à se repentir de leur gloutonnerie.

— Veinards ! prononça une voix. Ils s’en iront dans l’autre monde le ventre plein. »

Brusquement on fit silence.

Le cuisinier et son aide soulevèrent une des marmites apportées sur le pont et en vidèrent le contenu fumant pardessus le bastingage, sur la glace.

La masse ne lui laissa pas le temps de se refroidir.

Les bêtes se ruèrent d’une seule impulsion, et, en un clin d’œil, le las de conserves bouillies fut dévoré. Un instant, les hommes n’aperçurent au-dessous d’eux qu’un grouillement noir de choses mouvantes qui se scinda violemment, laissant le pack aussi récuré qu’une assiette par la langue d’un chat.

« Parbleu ! s’écria le commandant, s’ils y vont de ce train, nous n’y suffirons pas.

— Quelle fourchette, mon bon, comme disent les Mocos ! »

On recommençait à rire. Le spectacle y prêtait abondamment, d’ailleurs.

Les loups, alléchés par la provende qu’on venait de leur octroyer si gratuitement, avaient repris leur concert, mais sur la note glapissante. Maintenant, tous étaient là, se disputant les premières places, à la curée. Ils venaient jusqu’aux murailles