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culté de la marche. Derrière eux, la bande hurlante accourait en rangs serrés. Les matelots s’arrêtaient tous les dix mètres, se mettaient en ligne et envoyaient une décharge simultanée dans la cohue de leurs farouches adversaires.

Mais celle-ci était trop épaisse pour que quelques coups de feu la dispersassent. Hardy et ses hommes désespéraient sans doute d’en avoir raison, puisqu’ils revenaient sur leurs pas.

Ils arrivèrent ainsi jusqu’au pied des échelles, poursuivis par l’innombrable troupeau. En un instant ils furent à bord, tandis que l’icefleld se couvrait instantanément de hideuses bêtes noires, aux prunelles phosphorescentes. En même temps l’air s’emplissait de clameurs furieuses, tandis qu’une odeur écœurante de ménagerie montait à toutes les narines.

Cependant le lieutenant ne paraissait ni découragé, ni même inquiet.

Lacrosse s’approcha pour l’interroger.

« Vous n’avez pas osé risquer la vie de vos hommes ? demanda-t-il.

— Dame ! répliqua le lieutenant, le motif eût été plausible, et vous pouvez juger par vous-même du chiffre de nos ennemis, ajouta-t-il en désignant la tourbe grouillante et hurlante qui entourait le vaisseau et mettait sa tache sombre sur la face blafarde du pack.

— C’est vrai, fit le commandant, et je vous approuve. Il ne faut pas tenter Dieu. »

Hardy reprit :

« Mais ce n’est point là la raison qui m’a déterminé à rebrousser chemin. La vérité est que je suis entièrement rassuré sur le sort de nos deux camarades. Je dirai même qu’ils n’ont, de ce chef, couru jusqu’ici aucun danger.