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toutes les oreilles. Puis, la distance s’accroissant, on n’entendit plus que des notes qu’il fallut compléter : quise, qu’on traduisit banquise, ocs qu’on traduisit par blocs ou hummocks.

Mais le dernier cri jeta les auditeurs en un trouble profond. On perçut le son ou, dont on ne parvint pas à reconstituer la signification. Selon les uns, il représentait le mot trous, selon les autres les mots « entendez-vous ? » simple interrogation des deux matelots qui, eux sans doute, ne recevaient plus le moindre écho du navire, le vent, par bonheur très faible, soufflant en face, du nord-est au sud-ouest.

Le silence qui suivit ne fut pas sans angoisses. Qu’eussent-elles été si le commandant et ses hommes avaient eu la signification exacte du mot jeté par leurs camarades ? Ceux-ci avaient mis exactement quarante-deux minutes à parcourir le premier kilomètre. En leur accordant le même délai pour les deux qui restaient à franchir, il fallait deux heures six minutes pour leur permettre d’atteindre l’observatoire.

On ne fut que trop tôt renseigné sur le sens de la syllabe ou apportée par le vent.

Brusquement des clameurs lamentables surgirent de la brume, des cris dont l’intensité seule donna un instant le change aux marins de l’Étoile Polaire.

Ils en reconnaissaient le timbre et le son prolongé pour l’avoir fréquemment entendu pendant les longues veillées de leur premier hivernage. C’était la voix du loup polaire, cette bête que sa poltronnerie seule empêche d’être redoutable. Les voyageurs n’y accordaient plus d’attention, l’ayant toujours vu fuir à leur approche.

Mais cette fois, la plainte acquérait une indicible puissance, et les moins soucieux en concevaient une singulière alarme.