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Alors ce fut une tourmente indescriptible, un véritable, déluge, pareil à celui qui noya la terre aux premiers jours du monde. Mais cette fois l’eau était solidifiée ; des étoiles blanches aux mille dessins capricieux remplaçaient les gouttes de la pluie diluvienne. Un voile opaque descendait du ciel sur la terre ; un linceul glacé effaçait toutes choses dans l’uniforme nivellement de sa couche épaissie par chaque rafale.

À cinq heures du matin, il ne restait plus trace de l’Étoile Polaire, ou, pour dire plus vrai, le navire n’était plus qu’une énorme bosse soulevée sur la surface ensevelie du pack. Seule la fumée de la cheminée indiquait que cette chose fondue sous la neige vivait et respirait encore.

On avait dû, pour préserver les feux, couvrir le sommet de la cheminée d’un fin treillis de fer. La fumée brûlante, en amenant la fonte de la neige à l’entour de l’orifice, l’avait bordé d’un épais bourrelet de glace. Du centre de ce bourrelet s’échappait la respiration haletante de la machine, convertie en un simple fourneau de forge.

Le pont, les mâts étêtés, les tentes et les baraquements de la dunette pliaient sous une charge effroyable de neige. Pendant les premiers moments, l’équipage du bord se trouva emprisonné sous les écoutilles. Il fallut se décider à les scier, pour parvenir en cette espèce de tunnel monstrueux que formait la couche amoncelée sur le pont.

Lacrosse fut admirable de sang-froid et d’énergie. Il donna l’ordre de chauffer immédiatement à l’hydrogène toute la carcasse intérieure du navire. En même temps des jets d’eau à une température et à une pression supérieure à l’ébullition furent dirigés contre les parois supérieures de la prison de glace. Au bout de vingt-quatre heures de ce labeur presque