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Le commandant Lacrosse n’était pas autrement ému de l’événement. Il avait dit en riant :

« Bah ! il y a encore dehors MM. Le Sieur, Schnecker et un matelot qui sont allés faire des observations au nord de la crique. C’est certainement l’un d’entre eux que nous aurons aperçu, et la distance, probablement très grande, l’aura empêché d’entendre nos cris. »

Ce qui parut confirmer cette opinion, ce fut le renouvellement du phénomène au retour de Hardy et des deux matelots. On revit non plus un seul géant, mais trois.

Lacrosse les interpella à l’aide du porte-voix :

« Est-ce vous, Hardy ? demanda-t-il.

— Oui, c’est nous », répliqua la voix très nette et très distincte du lieutenant.

Quand ils arrivèrent à bord, bredouilles, n’ayant relevé aucunes traces, il fallut bien s’avouer que si l’apparition s’était dérobée, ce n’était point faute d’avoir pu entendre l’appel, puisqu’à une distance qu’ils avaient jugée supérieure, l’officier et ses deux compagnons avaient perçu dans ses moindres vibrations la parole du commandant Lacrosse.

Celui-ci ne laissa rien voir du trouble que cette constatation jetait dans son esprit. Pour combattre l’espèce de malaise superstitieux qui avait gagné les esprits de l’équipage, il fit distribuer une large rasade d’eau-de-vie à tous les hommes. En même temps, flairant une aventure beaucoup moins démoniaque que malveillante, et pouvant presque mettre un nom sur la silhouette entrevue, il quadrupla la faction sur le pont malgré l’abaissement continu du thermomètre, accusant 28 degrés au-dessous de zéro.

Après quoi, il redescendit dans sa cabine, où il désirait