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eut disparu sous l’horizon, la lune, déjà haute, ne fit plus passer ses rayons qu’à travers la trame d’un de ces brouillards gelés dénommés, par les Anglais frost rime, et qui n’excèdent guère 20 mètres au-dessus du niveau du sol. Ce brouillard lui-même devenait invisible, alors que chacune des molécules d’air glacé se convertissait en une lentille d’un incommensurable pouvoir de grossissement.

Gaudoux, debout à l’arrière, promenait autour de lui un regard qu’il eut préféré éteindre dans un sommeil réparateur. Ce n’était pas que ce quart fût d’une extrême importance, car, outre qu’il n’y avait rien à redouter d’insolite, l’Étoile Polaire, supérieurement abritée par les falaises de la Crique Longue, ne craignait rien des glaces extérieures, encore disjointes et peu épaisses. Mais le commandant avait imposé ces factions de nuit dans l’intention d’habituer l’équipage aux durs services de l’hiver.

Quelle ne fut donc pas la surprise du matelot en voyant se dresser sur la banquette déjà solidifiée la silhouette d’un géant aux proportions invraisemblables !

Une terreur soudaine saisit le Canadien et le tint un instant paralysé.

L’être qu’il voyait était manifestement surnaturel, car sa taille pouvait s’élever à 6 mètres. La lune le découpait très nettement sur le fond de brume qui l’enveloppait de sa floconneuse transparence.

Le marin s’alarma et jeta un appel, auquel le lieutenant Hardy s’empressa de répondre.

Il suffit à celui-ci d’un seul regard pour comprendre que la fantastique apparition n’était qu’un effet de la réfraction des rayons à travers le brouillard.