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Il demeurait donc urgent de franchir le plus long espace possible, tant que le ciel et les rayons solaires permettraient de discerner la terre ferme, que le tapis de neige allait bientôt faire disparaître sous son uniforme linceul.

On reprit la marche en avant. Il était de plus en plus évident que le 41e méridien passait en plein océan polaire. Du 12 au 15 août, on ne rencontra que trois allées d’eau, à peine larges de quelques mètres. Mais chaque fois, elles nécessitèrent l’emploi des embarcations, ce qui rendit beaucoup plus pénible la marche des explorateurs.

Toujours vaillante, Isabelle ne trahissait rien de ses souffrances personnelles.

Elle ne répondait que par des sourires aux regards inquiets que jetait sur elle Hubert d’Ermont. À chaque question pleine de sollicitude du jeune officier, elle faisait invariablement cette réplique : « Je vais très bien ; ne vous inquiétez pas de moi ».

Le 16, la neige se mit à tomber, et, en peu d’heures, le sol disparut sous une couche de plusieurs pieds, ce qui rendit le traînage affreusement pénible. On fit à peine trois lieues ce jour-là.

Le 17, la bourrasque fut tellement violente, que l’on dut se résigner à demeurer sous les tentes. Hubert et Guerbraz, infatigables, dressèrent celles-ci en prenant pour appui les traîneaux. Une heure suffit pour amonceler alentour un remblai de neige de deux mètres d’épaisseur. Réfugiés sous cette façon de grotte, les voyageurs n’eurent point à souffrir beaucoup de la température qui suivit, 38 degrés au-dessous de zéro. Ils y restèrent sans bouger, en proie à de terribles angoisses que justifiaient les craquements de la glace et les secousses ininterrompues du pack.