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Sanglant, lacéré, couvert de plaies en vingt endroits de son beau corps, il n’en résista pas moins, victorieusement à la canaille exaspérée. Sans soupçonner cpie sa fidélité ombrageuse et ses exploits allaient nuire aux intérêts de ses maîtres, il étrangla magistralement deux de ses adversaires.

Mais il eût infailliblement succombé sous le nombre, si l’infernal tapage du combat n’eût enfin arraché les dormeurs au sommeil.

Hubert et Petricksen, les premiers levés, s’élancèrent hors des tentes, pourvus de longs fouets, et, tapant à droite et à gauche comme des sourds, parvinrent enfin à réduire les plus acharnés des jouteurs.

Salvator lui-même, emporté par l’ardeur de la lutte, consentit à s’apaiser que devant les frappantes injonctions du lieutenant de vaisseau.

Quand on fit le recensement des pertes, on fut obligé de reconnaître que l’héroïque fidélité du brave chien avait été plus funeste qu’utile. Outre les deux morts, il y avait quatre éclopés, impropres de longtemps au traînage.

Cependant Salvator ne reçut que des félicitations. On le gratifia même d’une ration double ce jour-là et le lendemain. Désormais on était sûr d’avoir en lui un auxiliaire dévoué.

Il fallut séjourner quarante-huit heures de plus sur le théâtre du combat, les blessures des chiens ne permettant pas de les remettre aussitôt aux traits.

Le froid n’était point excessif, mais le ciel se couvrait de nuages, annonçant la proximité de grandes bourrasques. En même temps, des bruits sinistres, des mouvements insoliles de la croûte glacée, révélaient des menaces latentes de l’instable plaine sur laquelle on campait.