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antiques labradors, dépaysé par un long séjour de sa race dans la vieille Europe. Et toute cette démocratie insurgée, se comptant du regard, déclara la guerre d’un seul coup à ce paladin qui se faisait le serviteur du maître contre ses frères aînés.

De fait, Salvator, debout sur le traîneau, avec la crâne attitude d’un héros, avait fait songer à ces preux de l’histoire qui luttaient seuls contre des nuées de Sarrasins.

Aussi fier que Roland se refusant à sonner de l’olifant, le terre-neuve ne donna pas de la voix. Ses ennemis, sûrs de vaincre, par leur nombre même, ne voulurent pas, en éveillant les lentes, compromettre le résultat de la victoire.

D’abord, ils firent autour de Salvator un cercle menaçant de crocs aigus et de mufles retroussés. C’était la période des invectives, comme dans les combats d’Homère.

Puis, tout à coup, l’un des grœnlandais prit son élan et bondit sur le traîneau.

Les puissantes mâchoires de Salvator le prirent à la gorge et le rejetèrent.

Un second, puis un troisième s’élancèrent, ils furent reçus de la même manière.

Alors quatre à la fois se ruèrent sur le vaillant gardien.

Peines perdues ! Le terre-neuve, avec une effrayante vigueur, renversa le premier sous ses pattes, happa un second à l’oreille, creva l’œil du troisième et éventra en partie le quatrième.

Cela faisait sept vaincus sur vingt. C’était trop.

Foin désormais de la prudence et des ménagements ! En aboiement sonore, prolongé, éclata comme une fanfare d’attaque, et toute la meute donna l’assaut.

La mêlée devint furieuse, sans merci. Salvator fut sublime.