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brerait le jour où Hubert aurait conquis les épaulettes de lieutenant de vaisseau.

Il les avait conquises de bonne heure, à vingt-sept ans. Mais, alors, un nouveau délai avait été apporté à l’union désirée de part et d’autre.

Pierre de Kéralio n’était point marin, mais il avait suffisamment navigué pour ne rien redouter de la mer. Bien plus, il en avait contracté l’amour, et, à l’âge où la plupart des hommes se retirent du travail et des fatigues, if avait, lui, conçu la pensée de mettre au service de la science une partie de son immense fortune. Le patriotisme avait donné à cette noble idée un caractère de grandeur touchante, et, un jour, il avait dit, à haute voix, devant tout un auditoire d’amis invités aux fiançailles d’Hubert d’Ermont et d’Isabelle de Kéralio :

« Dès que ma fille sera mariée, je mettrai à exécution un grand projet qui me tient au cœur depuis de longues années. J’organiserai une expédition et j’irai au Pôle. Il ne sera pas dit que Nares, Stephenson, Aldrich et Markham, c’est-à-dire des Saxons, en 1876 ; que Greely, Lockwood et Brainard, des Américains, c’est-à-dire d’autres Saxons, en 1882, seront allés au delà du 83e parallèle, sans que des Français les aient dépassés. »

Isabelle avait jeté un cri.

« Quand je serai mariée ! Eh bien, dussent tous nos amis me blâmer à l’unisson, il ne sera pas dit non plus qu’Isabelle de Kéralio n’aura pas pris sa part d’une telle gloire. Je connais assez le cœur d’Hubert pour savoir qu’il m’accordera la permission de suivre mon père jusqu’au sommet du monde. »