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bouche, commandant. N’hésitons pas, ne perdons pas une seconde ; ramenons au cap Washington tout ce qui n’est pas indispensable, après quoi nous reviendrons ici dresser notre deuxième campement. Est-il nécessaire de vous dire que je vous suivrai partout ? »

Bernard Lacrosse n’ajouta pas un mot à cette déclaration. Remontant sur le pont, il distribua ses ordres conformément au programme adopté.

L’Étoile Polaire reprit donc le chemin du sud. Jamais encore expédition polaire n’avait obtenu de pareils résultats. En moins de deux mois d’été, des Français avaient réussi à reconnaître la côte nord-est du Groenland ; ils avaient découvert une île sous le 85e parallèle et des terres encore mal explorées sous le 86e.

Bien plus, deux d’entre eux, dans une course aventureuse à travers les airs, avaient atteint le 88e degré et reconnu l’existence de la grande banquise polaire, jusque-là hypothèse invérifiée.

À cette heure, ils rentraient dans leurs quartiers d’hiver, mais une poignée d’entre eux allaient continuer leurs investigations. Cette fois, ils n’obéiraient point à un pur intérêt scientifique. Ils allaient guidés par la vive affection que leur inspirait l’homme généreux et imprudent qui avait organisé cette campagne et qui n’avait eu que le tort de ne vouloir point reculer au seuil de la dernière porte. Il fallait arracher M. de Kéralio aux conséquences de son intrépidité, à l’horrible mort par le froid et la faim.

La belle saison se montrait vraiment admirable. L’Étoile Polaire ne mit que trois jours de l’île Courbet au cap Washington, soit pour franchir un espace de trente-six lieues.