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spectateurs de cette dernière scène. Mais l’angoisse ne fut pas de longue durée.

Poussé par une brise du sud-est, l’aérostat fila assez rapidement vers le nord, sans dépasser l’altitude déjà atteinte. On put le suivre au-dessus de l’horizon pendant trois heures, puis on le perdit de vue.

Mais quel ne fut pas l’étonnement des spectateurs lorsque, le plus bas, sur un débaris gigantesque. Un canot fut mis à la mer pour recueillir les aéronautes. On trouva Schnecker évanoui, à moitié asphyxié. Quant à d’Ermont, épuisé, il demeura plusieurs heures dans un état d’anéantissement, au bout duquel il put raconter son voyage, et ce récit, qu’il avait fait sur place à ses compagnons, le lieutenant de vaisseau le renouvela à sa fiancée.

Le ballon, emporté par un courant de sud-est, était remonté directement au nord. Les deux voyageurs avaient évalué ce parcours à 200 kilomètres environ. Là, le vent avait dévié peu à peu, et bientôt les aéronautes avaient pu constater qu’ils prenaient une direction très accusée vers l’ouest. Mais chose tout à fait singulière, il ne paraissait point qu’ils sortissent du parallèle qu’ils avaient atteint et qui leur sembla être le 88e. La brume intense qui les enveloppait leur ôtait le moyen de contrôler leurs soupçons.

Par bonheur, le soleil vint juste à point dissiper le brouillard et leur fournir le moyen de se reconnaître. Un spectacle grandiose, unique, presque fantastique, frappa leurs regards.

La mer était sous leurs pieds, une mer libre et bleue dont ils avaient pu entendre le ressac pendant la demi-obscurité de