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mandant Lacrosse, rappelé par le bruit, remonta sur le pont et donna l’ordre de pousser immédiatement les feux. Quand le brouillard intense se fut dissipé, on s’aperçut qu’on était à un mille de la côte. Une demi-heure plus tard, le navire reprenait dans l’étroite baie le mouillage qu’il y avait pris une quinzaine auparavant.

Une allégresse soulevait tous les cœurs, et il semblait qu’on ressentît quelque chose d’analogue au bonheur d’un père retrouvant ses fils qu’il avait crus morts. Cette allégresse allait se convertir en appréhensions nouvelles.

À mesure que l’Étoile Polaire se rapprochait de l’île, on pouvait, de son pont, apercevoir un groupe d’hommes rassemblés sur le rivage et multipliant les gestes et les cris. Dès que les embarcations du navire eurent accosté, ceux du steamer et ceux du traînage se jetèrent bruyamment dans les bras les uns des autres, s’interrogeant mutuellement sur leurs aventures diverses, tant sur les flots que sur la voie de glaces suivie par les héroïques piétons.

Ceux-ci étaient harassés, épuisés même, sans ressources et sans forces, victimes depuis près de dix jours d’une nourriture insuffisante et malsaine. Lacrosse leur ouvrit sans retard les portes du carré et du poste des matelots. Enfin, à la suite d’un repas tout à fait réparateur, les pauvres gens, se voyant placés dans de meilleures conditions, firent le récit lamentable des tortures sans nombre auxquelles ils avaient dû se soumettre et de la lutte qu’ils avaient soutenue contre les obstacles naturels et le mauvais vouloir des éléments.

Parmi ceux qui venaient de rallier le steamer se trouvaient Hubert d’Ermont, le chimiste Schnecker et le premier maître Guerbraz. On leur accorda vingt-quatre heures de repos absolu.