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« Allons ! s’écria le commandant Lacrosse en s’adressant à ses seconds, nous serions des misérables si nous abandonnions la partie sans avoir tout tenté pour rejoindre nos compagnons. Prolongeons notre séjour ici pendant tout ce qui nous reste de beaux jours, et alors seulement nous aviserons à prendre une suprême détermination. »

Pendant les semaines qui suivirent, les explorateurs battirent la mer de l’est à l’ouest, passant et repassant devant l’île Courbet, sans s’éloigner de ce terrible 85e parallèle, devenu à la fois la limite de leur course et la barrière imposée à leur énergie.

Et chaque nuit amenait un refroidissement plus marqué. À peine un mois s’était-il écoulé depuis le solstice d’été que déjà l’hiver annonçait son retour par de lugubres signes. Les journées ensoleillées se faisaient de plus en plus rares ; au contraire, celles où la brume assombrissait le firmament paraissaient plus grises et plus mornes. L’Étoile Polaire rencontrait des glaçons plus épais et éprouvait une difficulté plus grande à rompre la couche de frazi qui, pareille à une pellicule transparente, se ridait sur la face de l’océan. Les fragments du floe se joignaient, adhéraient par leurs arêtes, se coagulaient sous le ciment de la jeune glace. Que deux autres semaines s’écoulassent ainsi, et, bien certainement, le steamer serait saisi par quelque effroyable « pincée » du champ de glace.

On en était là des, angoisses et des perplexités, lorsque le 22 au matin, un mois, jour pour jour, après le débarquement de la colonne, le lieutenant Hardy, debout sur la passerelle, put ouïr distinctement une détonation venue de l’île et, selon toute apparence, de la Crique Longue elle-même.

Il y fit répondre aussitôt par un coup de canon. Le com-