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lui fit part de la détermination à laquelle on venait de s’arrêter. Il ne put se défendre du légitime désir de se mettre en dehors de l’avis commun.

« Quant à moi, prononça-t-il vivement, j’ai toujours pensé que l’homme qui va devant lui a plus de chances que celui qui recule, et qu’à défaut du courage, l’intérêt même doit conseiller de ne jamais rétrograder. »

La jeune fille n’attendait que cette parole. Elle éclata : « Quoi ! s’écria-t-elle, est-ce donc à ce parti que l’on s’arrête ? Quoi ! Parce que nous sommes en face d’une hypothèse inquiétante, nous allons renoncer sans combattre au résultat acquis, à une victoire que tout nous présage ! Mais ne voyez-vous pas que reculer, c’est compromettre irrémédiablement l’expédition ? Car, de deux choses l’une : ou nous rentrons directement en France, ou nous revenons au cap Ritter. En ce dernier cas, que gagnons-nous ? Ce n’est pas une reculade de 4 degrés qui peut améliorer notre situation. Nous sommes aux portes de la belle saison et à moins de 160 milles du point que Lockwood et Brainard, dépourvus de ressources, ont atteint à pied. Nous avons des vivres en abondance, et, qui plus est, nous disposons de moyens que nul n’a possédés avant nous, et dont nous avons pu nous-mêmes vérifier l’efficacité. Et nous abandonnerions la partie ? Nous nous déclarerions vaincus au premier obstacle ? Ne voyez-vous pas que cette falaise touche à sa limite, et que forcément, par la nature même du sol, cette côte ardue va faire place à des terres basses et fortement découpées ? Est-ce à moi, femme, de vous rappeler que les roches schisteuses ne sont que des accidents du sol, des soulèvements intermittents de la croûte terrestre ? Demain, après-demain au plus tard,