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« Ma cousine, dit Hubert en s’inclinant respectueusement.

— Ma petite Belle, fit M. de Kéralio, viens-tu donc nous rappeler l’heure du déjeuner ? Je ne sais si le vent qui nous rafraîchit en ce moment nous creuse plus qu’à l’ordinaire, mais j’avoue que mon estomac me paraît en avance sur ses habitudes. »

La nouvelle venue tendit sa main au jeune homme, son front au baiser paternel.

« Non, père, répliqua-t-elle, et votre estomac est dans son tort. Il est à peine dix heures du matin, et je suis venue pour assister à la féerie qui se prépare. Le commandant Lacrosse, en effet, m’a prévenue que, dans un instant, nous assisterions à une véritable illumination de glaces. »

Et, sans façon, elle attira un siège pareil à ceux des deux hommes, et s’y assit.

Celle qui venait de parler était une grande et belle fille de vingt ans. Elle était brune avec des yeux bleus, le type des races d’origine kymrique et ibère, telles que les Irlandais, les Gaëls d’Écosse et ceux des côtes de Bretagne. Toute sa personne, bien prise et svelte, annonçait une vigueur rare chez une femme, en même temps que le reflet métallique de ses pupilles dénotait, sous certains froncements des sourcils, une grande énergie. On devinait en elle l’âme et l’organisme d’une héroïne véritable, sans forfanterie comme sans timidité gauche ou empruntée.

Belle — ou très exactement Isabelle de Kéralio — était la fille unique d’un propriétaire et industriel, possesseur de terres et d’usines au Canada, où sa famille s’était établie depuis deux siècles. M. Pierre de Kéralio, Breton d’origine,