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Le vent, sans avis préalable, sauta au nord-ouest, et en moins de deux heures les glaces envahirent la mer. En même temps, le thermomètre s’abaissait à 28 degrés au-dessous de zéro, température vraiment très dure dans une saison qui, plusieurs fois déjà, avait vu le mercure remonter à 0 et même à 2 degrés au-dessus.

Il fallut chercher un refuge dans une anfractuosité de la côte. On y passa deux jours au milieu de transes mortelles, car, malgré l’abaissement continu de la température, qui ne s’arrêta qu’à — 34 degrés, la tempête fit rage, amoncelant les blocs les uns sur les autres et les poussant à l’assaut du navire.

Dans cette situation vraiment critique, le commandant Lacrosse suggéra une idée essentiellement pratique.

On chargea à obus de mélinite les deux canons de 10 centimètres de l’Étoile Polaire et l’on ouvrit le feu sur la banquise avec le même soin et le même acharnement que sur une armée d’assiégeants humains.

En même temps, comme l’eau ne manquait point, on ne cessa de projeter la vapeur sur le champ de glace. Après trente-huit heures de cette lutte de géants, l’équipage, épuisé, put enfin goûter quelque repos. Il l’avait bien mérité.

Le 5, la marche en avant reprit, et le steamer mit à profit une large allée d’eau qui se déclara le long de la côte. Forçant de vapeur, il laissa aux membres de l’expédition terrestre le soin de relever la carte du pays, et franchit, à la vitesse de 14 nœuds, les 150 kilomètres qui le séparaient encore du 80e degré.

Là, il dut relâcher pour attendre les excursionnistes.

Le temps était affreux. Les bourrasques de neige ne s’in-