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serait la preuve trop certaine qu’il fallait renoncer à l’espoir du voyage par mer.

On attendit donc la nuit, le cœur serré. Personne n’avait voulu prévoir cette éventualité décourageante. Aussi personne ne se résigna-t-il, et quand on s’enfonça dans les sacs de couchage, malgré la douceur relative de la température, le regret de la maison abandonnée vint-il s’ajouter à l’irritation causée par les espérances déçues.

« Mes amis, dit M. de Kéralio pour mettre un terme à cette pénible angoisse, ce que nous avons de mieux à faire, c’est d’ajourner nos conjectures à demain et de dormir. »

On ne dormit pas bien longtemps. Vers minuit, le vent se leva, un vent du sud qui donna le ton aux clameurs du pack en révolution. Les courtes heures de ténèbres furent pleines de ces rumeurs lugubres, et les voyageurs, déshabitués par l’hivernage des séjours à la belle étoile, furent assez longs à s’y refaire

Ce fut avec une joie sans mélange qu’on vit reparaître le jour.

De terribles craquements n’avaient cessé de faire écho aux mugissements du vent, et, à plusieurs reprises, l’oreille exercée de ceux qui ne pouvaient dormir avait perçu le choc sec des vagues contre les banquettes de la côte. L’espoir renaissait en eux. Ce bruit était de bon augure. Il présageait la rupture du champ de glace.

Toutefois ceux qui l’entendirent les premiers n’osèrent confier leurs espérances aux autres. Sachant combien leur serait cruelle à eux-mêmes une désillusion, ils préférèrent l’épargner à leurs compagnons endormis.

Mais, à l’aube, on n’eut plus de doute. C’était la mer, l’eau salée et verte, qu’on avait sous les yeux. De l’immense