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dériver fort loin, la voie n’étant pas encore faite à travers l’agglomération du pack.

En effet, au bout d’une centaine de mètres, il s’arrêta brusquement, laissant derrière lui la paroi du rocher pelée et, à la place qu’il avait occupée, un trou d’eau que la température, très basse en ces instants, ne tarda pas à recouvrir d’une couche de frazi.

Guerbraz était désespéré.

Il leva son revolver et tira en l’air pour avertir les compagnons qui étaient en chasse.

Puis, comme l’énorme glaçon s’échouait sur l’icefield, le faisant crier sous son poids, le matelot put apercevoir Isabelle debout sur une espèce de console qui surplombait le niveau du champ d’une hauteur de près de 30 mètres.

La situation se faisait de plus en plus critique.

Pour secourir la jeune fille, Guerbraz se laissa glisser, aussi vile qu’il le put, sur la pente, qu’il avait déjà franchie. Il lui fallait contourner le navire, puis la crique, pour rejoindre Isabelle. Il n’hésita pas, et, malgré les crevasses, bondissant d’arête en arête, par-dessus hummocks et buttons, il parvint enfin sur la surface glacée du fiord.

Mais là, un nouveau spectacle le pétrifia d’horreur.

Le vent portait, quoique très faiblement, du large à la côte. L’ours, malgré la lourde chute qu’il avait faite, chute considérablement amortie par l’eau dans laquelle il était tombé, s’était relevé, et le marin pouvait le voir se diriger en boitant, vers l’espèce de pic sur lequel la jeune fille était en quelque sorte suspendue.

Guerbraz jeta de grands cris pour détourner son attention. Le plantigrade hésita un instant. Puis, avec le même balan-