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temps que la bonne hache qui ne l’abandonnait jamais. Devançant l’attaque du monstre, il prenait déjà son élan pour bondir sur le quartier de glace qui supportait Isabelle et son terrible adversaire, quand un phénomène inattendu, mais que cependant on aurait pu prévoir, se produisit.

Sous la poussée des pattes énormes du plantigrade, la faille venait de s’étendre, avec un bruit sinistre, jusqu’à la base même du glaçon. Sans doute, elle devait exister depuis longtemps déjà, car la rupture s’accomplit sans secousse.

Emportée par son poids, la bête énorme tomba dans la crevasse, tandis que l’amoncellement des blocs oscillait, en se détachant du reste de la banquise. Sous une pression extraordinaire le plancher du floe environnant se creva, et une colonne d’eau, soulevée en vague, vint frapper obliquement l’iceberg qui, sans revenir en arrière, rompait les menues glaces d’alentour et s’éloignait rapidement de la côte, sollicité, sans aucun doute, par un courant chaud qui fouillait les bases de la banquise.

Ce fut au tour de Guerbraz d’avoir peur. Lui aussi, il jeta un cri.

Ce qui venait d’arriver n’était pas sans précédents, non seulement dans les annales de l’hivernage, mais dans le journal même de l’expédition. On avait vu fréquemment des floebergs et des champs entiers se détacher des glaciers de la côte et s’en aller à la dérive vers des milieux plus chauds de l’océan, où ils s’émiettaient et se fondaient avec une rapidité vraiment extraordinaire.

Cette hypothèse même rendait plus critique encore la situation d’Isabelle abandonnée sur son îlot mouvant.

Il est vrai qu’en ce moment de l’année, le bloc ne pouvait