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crête de la falaise, elle s’arrêta brusquement et laissa échapper un cri de terreur.

Cent mètres au moins la séparaient de son fidèle compagnon.

Au cri poussé par Isabelle, Guerbraz s’était élancé pour la rejoindre, comprenant que la vue d’un péril imminent avait pu seul terrifier à ce point la vaillante créature.

Arrivé sur le plus haut des blocs qui composaient cet escalier titanique, Guerbraz eut l’explication de la terreur éprouvée par Mlle de Kéralio.

À moins de dix pas d’elle, de l’autre côté d’une faille à peine large d’un mètre, un ours gigantesque, sans doute le même qui avait poursuivi le lieutenant Pol et s’était ensuite dérobé à ses défenseurs, se balançait d’un mouvement régulier, mettant en opposition la cadence de son énorme corps et de sa tête relativement petite.

Il était manifeste que la bête était affamée, car il n’y a pas d’exemple d’un ours repu qui ne fuie à la vue de l’homme. Celui-ci agitait les pattes l’une après l’autre, ouvrait et fermait alternativement sa gueule noirâtre d’où pendait sa langue rouge, avec l’anhélation d’un chien altéré.

« Revenez, mademoiselle, revenez ! » cria Guerbraz dans un appel désespéré.

La jeune fille l’entendit et se retourna. Elle essaya de battre en retraite.

L’ours, comprenant sans doute que sa proie lui échappait, fit un pas en avant, et, risquant tout le devant de son corps au-dessus de la faille, appuya ses pattes sur le bord opposé, avec un claquement de mâchoires et un sourd grondement de la poitrine.

Guerbraz avait arraché de sa ceinture un revolver en même