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nancée, tourna de nouveau les talons et disparut, non sans laisser derrière elle une longue traînée de sang, prouvant bien par là qu’elle avait été blessée par l’un des projectiles.

On ne put l’atteindre, et ce fut un gros chagrin pour les chasseurs.

La chair d’ours, en effet, jouit, chez les gens du Nord, d’une réputation méritée de saveur, et les explorateurs des régions boréales la prisent au-dessus de toutes les autres. Il fallut en prendre son parti.

Le soir, l’aventure fut l’objet de nombreux commentaires, et, le lendemain, un dimanche, on ne parla que de cela dans les entr’actes de la représentation théâtrale. Si bien que les matelots improvisèrent sur l’heure et jouèrent, au milieu des applaudissements, une pantomime fort animée reproduisant, avec une grande vérité, l’émouvant épisode de la veille.

On avait espéré voir reparaître le plantigrade pendant les jours qui suivirent. Il ne se montra pas. On dut conclure, trop tôt apparemment, qu’il avait changé de séjour, ayant trouvé celui du cap Ritter malsain.

Il fallait bien en faire son deuil. On n’aurait ni pattes, ni entrecôtes d’ours, les morceaux le plus réputés de l’animal. Les deux Esquimaux, Hans et Pelricksen, attachés à la troupe, y suppléèrent par d’abondantes pêches, dans lesquelles phoques et morses figurèrent pour deux tiers. Le reste fut fourni par quelques poissons de la famille des congres et des salmonés.

Le 20 mars, on avait oublié l’incident, et Mlle de Kéralio, qui s’était montrée prudente pendant ces quelques jours, délaissa toute crainte et reprit ses courses aventureuses dans la zone des glaces de battures et sur les glaciers du fiord.