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là, ébahis, n’en croyant pas leurs yeux. Une serre chaude, des légumes, des fruits, par 76° de latitude boréale, en pleine nuit polaire, et sous une température de 40 degrés au-dessous de glace !

Mais ni Hubert ni Schnecker ne parlaient pour ne rien dire.

On n’avait fait encore que la moitié du travail ; le plus important restait à faire.

Il s’agissait de trouver la « terre » et l’engrais.

Or on ne pouvait songer à attaquer les roches voisines, absolument gelées jusqu’à 6 ou 8 mètres de profondeur. Pour établir les plates-bandes conformément aux règles nouvelles de ce jardinage improvisé, Schnecker y fit étendre d’abord un lit de cendres refroidies. Mais à ce lit de cendres il fallait, au plus tôt, donner une seconde couche de fécondation. Où la trouver ?

Comme on lui posait cette question, le chimiste répondit en riant :

« Bah ! ce n’est pas si difficile que ça en a l’air. L’Étoile Polaire contient tout ce que nous voulons. »

Et, le lendemain, douze hommes, sous la conduite de Guerbraz, furent chargés d’aller retirer de la cale du steamer toute la quantité de sable et la paille nécessaires.

On les entassa provisoirement dans le milieu de la serre, et tout aussitôt Schnecker commença les applications chimiques indispensables pour convertir la paille en engrais.

Battue, brisée, réduite en poussière, elle fut soumise à une cuisson de deux heures à l’eau bouillante. Puis cette bouillie végétale fut additionnée de tous les détritus organiques que pouvait fournir le séjour d’une pareille agglomération animale. Il fallait toute la patience d’un chimiste épris de son art pour mener à bien un labeur aussi nauséabond que fatigant.