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CHAPITRE XXI

ment puissant et durable qui dût servir d’intermédiaire entre les Églises particulières et le centre du catholicisme. Le Pape était à la fois chef suprême de l’Église et Patriarche de l’Occident ; il atteignait donc doublement les peuples occidentaux ; pour eux, non seulement point de différences entre leur Patriarche et le Souverain Pontife, mais identité de langue, identité d’histoire, analogie de rites. Il n’y eut donc logiquement en Occident qu’un seul loyalisme et il allait directement à Rome.

Que cet état de choses ait exercé une influence puissante sur les instincts religieux ; qu’il ait non seulement maintenu toute la valeur dogmatique de l’union au centre, mais lui ait donné sa vitalité et sa chaleur, quoi d’étonnant ?

Peut-on, une fois sauvegardé le fond, demander aux Orientaux la même chaleur, les mêmes formes dans l’expression de leur catholicité ? En équité, non ; ce serait supprimer le rôle des facteurs historiques dans l’Église que de vouloir faire table rase du double loyalisme oriental. En opportunité, non, car ce serait tenter l’impossible. Que ce double loyalisme ait des dangers ; qu’il ait écrit dans l’Histoire de l’Église bien des pages douloureuses, qui le niera ? mais cette histoire n’est-elle pas semée de douleurs à chaque page ?

Un des caractères les plus curieux de ces Églises nationales fut leur force de résistance en face des conquérants musulmans. Schismatiques pour la plupart au moment de la conquête, toute leur vie religieuse était nationale. Le besoin, la lutte pour l’existence groupèrent bientôt toutes les forces autour du Catholicos, du Patriarche. Celui-ci devenait donc vis-à-vis des conquérants un personnage important, comme un grand chef de tribu ; il représentait sa nation ; on avait intérêt à le ménager dans une certaine limite et à s’assurer, par lui, de la soumission de la nation. Vainqueurs et vaincus avaient donc égal intérêt à augmenter les pouvoirs du Patriarche. C’est ainsi qu’il devint presqu’autant chef politique que chef religieux ; presque rien dans la vie sociale intérieure de sa nation n’échappait à son contrôle.