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CHAPITRE XXI

jardins des particuliers ! Tant que l’ingénieur resta à Môsoul, l’allée d’arbres fut à peu près respectée, mais, après son départ, le pillage commença. N’était-il pas plus simple de chercher à se chauffer gratis, au lieu d’acheter fort cher le bois que les kelleks apportent des montagnes ?

Le Vali, Fahid-Pacha est déjà âgé. C’est un homme « vieille Turquie », d’apparence insignifiante. Il nous reçoit fort aimablement, mais comme il ne parle pas français, toute la conversation se fait par l’intermédiaire du Consul.

Le colonel de gendarmerie se trouvant là, M. Sioufi en profite pour traiter la question du ou des zabtiés qui devront nous accompagner de Môsoul à Baghdad. Le trajet se faisant en kellek, le zabtié devra revenir à pied ; il lui faudra dix jours de voyage ; il n’aura pas de cheval à sa disposition — la chose, dit le colonel, est de toute impossibilité. Après maints pourparlers, le Consul amène enfin le grand argument : « Soit, dit-il, vous ne donnerez point de zabtiés, mais alors vous allez vous porter garant de la sécurité du trajet et prendre sur vous la responsabilité de tout accident qui pourrait arriver à ces Messieurs. » La garantie était difficile à donner, car un kellek avait était pillé fort peu de temps auparavant ! Pour ne pas capituler sans honneur, le colonel demande à voir les lettres vizirielles d’Hyvernat ; il les parcourt gravement, en commente chaque mot, et finit par reconnaître qu’elles font de nous des personnages assez importants pour mériter un zabtié.

La question réglée, le Vali nous invite à dîner, séance tenante. Vous ne pouvez refuser, nous dit M. Sioufi — nous passons donc à la salle à manger, pensant trouver un repas improvisé ; un festin était préparé. Mais alors pourquoi nous avoir invités au dernier moment ? Est-ce peut-être une particularité des mœurs turques ? Le dîner fut plantureux ; dix plats au moins, tantôt doux, tantôt salés, tous fort bien apprêtés, s’y succèdent. Musulman rigide, Fahid-Pacha n’admet point de vin sur sa table ; nous sommes loin de Van où Khalîl-Pacha met à sec tous les marchands de vin du bazar, quand il donne un repas !