Page:Müller-Simonis - Du Caucase au Golfe Persique.pdf/442

Cette page a été validée par deux contributeurs.
346
CHAPITRE XIX

collines qui séparent Saïrd du Boghtân-Sou. La descente commence à trois quarts d’heure environ de la ville. Comme les collines plongent à pic dans la vallée, cette descente est un casse-cou ; elle a nom Akrâbi ou le scorpion. Le chemin en zigzag est fort bien tracé ; il s’accroche au rocher, et l’on a dû pour l’établir, exécuter d’assez grands travaux d’art. Mais, comme rien n’est entretenu, il s’est transformé en un abominable casse-cou.

La vallée du Boghtân, dont nous longeons la rive droite, est magnifique ; elle rappelle tout d’abord, avec un cadre plus grandiose, les défilés du Doubs entre Montbéliard et Besançon ; mais ici c’est l’immense solitude, ce grand et si éloquent silence de la nature. Bientôt le défilé se fait encore plus étroit, le chemin plus mauvais ; à certains passages, une prévoyante administration a même dû — il y a longtemps sans doute — creuser des trous dans la roche, pour permettre aux chevaux de poser sûrement leurs pieds sans glisser sur la pierre que les siècles ont polie. Le long du sentier poussent des figuiers rabougris, des buissons de térébinthe et quelques grenadiers sauvages.

À trois heures de Saïrd, notre caravane fait une petite halte dans une grande grotte creusée dans un massif de calcaire fort semblable à du travertin. La grotte reproduit le plan ordinaire des maisons kurdes ; une plateforme centrale servant d’habitation et entourée d’une écurie. Elle est abandonnée ; peut-être a-t-elle été creusée pour servir de khân.

À quelque distance de cette grotte la vallée s’élargit et le Boghtân reçoit un affluent de rive gauche. La composition du terrain change aussi complètement : les berges de la rivière sont formées de conglomérats très grossiers, dont les couches supérieures reposent en général sur des assises assez désagrégées ; la décomposition de ces assises inférieures produit en certains endroits de grandes grottes naturelles ; ailleurs, la décomposition étant plus complète, la couche supérieure des rochers s’est brisée et a formé des éboulis