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LA GRANDE CHAÎNE DU CAUCASE

retourner les chevaux à vide à leur point de départ ? c’est ce que je n’ai jamais pu comprendre.

Bref, les maîtres de poste cherchent souvent à tromper le voyageur ; celui-ci fera bien de visiter les écuries et de vérifier, avec autorité, le nombre de chevaux et le temps de repos qui leur a été donné. Une légère teinte de russe est donc fort utile pour diminuer les retards. Ces chevaux de poste font parfois jusqu’à trois courses de 20 verstes par jour : comme entre chaque course ils doivent retourner à leur écurie, ils parcourent ainsi 120 verstes en un jour ; ils recommencent le lendemain et, malgré ce rude métier, ils restent vifs d’allure.

On donne les cahots de la perekladnoï comme un remède excellent contre le spleen, et l’on prétend que les Anglais l’emploient souvent avec succès ; j’enregistre le dire sans m’en porter garant ! Quant à nous, n’ayant point de spleen à guérir, nous eûmes la lâcheté de préférer le confort d’une kaliaçka[1].

La route militaire de Géorgie franchit le Caucase, de Tiflis à Vladikavkas, de Géorgie en Kabarda, sur le méridien où la chaîne est la plus étroite. Sur cette ligne la chaîne proprement dite n’a plus même 100 kilomètres de largeur ; dans le Caucase occidental, l’épaisseur de la chaîne est deux fois plus forte ; dans le Caucase oriental elle l’est encore davantage.

Le chemin de Tiflis en Kabarda par le col de la Croix (2852 mètres)[2], a de tout temps été la principale voie de communication du Caucase ; c’est aussi celle dont les Russes ont pris possession le plus tôt. La route actuelle a été construite par le Prince Bariatinski[3] : sa longueur est d’environ 200 verstes (213,4 kilo-

  1. L’attelage de la pérékladnoï étant de trois chevaux, est un attelage « en troïka » ; les voyageurs appliquent souvent à la voiture elle-même le nom de son attelage ; mais l’attelage en troïka n’est pas spécial à la pérékladnoï ; il est au contraire le plus répandu, aussi bien pour la kaliaçka que pour la pérékladnoï. — À propos d’attelages, l’usage russe ne donne qu’aux nobles le droit d’atteler leurs chevaux en flèche ; les simples mortels doivent les atteler de front ; aussi voit-on souvent jusqu’à cinq et six chevaux de front.
  2. Thielemann donne 7 977 pieds, soit 2 431 mètres.
  3. Pour la géologie de la route, voir Dubois de Montpéreux, atlas, 5e série, pl. viii.