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CHAPITRE PREMIER


28 Août.

De Kouthaïs à Tiflis.

La journée est étouffante, et il souffle un scirocco d’Est brûlant. Le chemin de fer remonte la vallée de la Kvirila[1] en longeant constamment le torrent ; dans cette délicieuse Iméreth tout est verdure, et les premiers déboisements n’ont pu encore arrêter l’essor de la végétation ; partout des lianes à profusion. Après la station de Kvirila la ligne s’engage dans la vallée de la Tschchériméla. Au-dessus de Biélogouri, la ruine pittoresque de Tschchéristziché domine de haut le torrent ; à partir de cette station on remonte la vallée de Moliti.

Le chemin de fer transcaucasien a été construit par des ingénieurs anglais, avec des capitaux anglais. Les ingénieurs voulaient, dit-on, percer la montagne de Souram[2] ; les Russes peu habitués aux chemins de fer de montagne, ont eu peur de ce travail, et l’on a décidé de franchir le col à ciel ouvert. Pour y atteindre, la ligne suit le tracé le plus fantaisiste, dédaignant les détours qui eussent amoindri la pente, allant droit son chemin ; aussi la montée est-elle incroyable. Les plaques de pentes portent des indications variant de 2,9 à 4,5 % ! Encore un ingénieur de mes amis m’a-t-il affirmé que ces indications étaient fausses ; elles sont là pour satisfaire au cahier des charges, mais la pente vraie serait plus forte. Je le croirais sans peine ; car, si jusqu’à Bejatouvani une locomotive double, système Fairlay, avait suffi à nous remorquer, à partir de cette station une seconde locomotive double dut pousser à la queue du train ; malgré ce renfort, nous avancions si péniblement, qu’un voyageur pût descendre facilement de wagon pendant la marche.

Ces locomotives étranges, avec leurs grosses cheminées coniques, soufflant et peinant dans l’étroite gorge du torrent, au milieu d’une végétation exotique, produisent le plus curieux effet. Avec de pareilles pentes la marche est si lente, l’usure du maté-

  1. Jusqu’à Tiflis je suis l’orthographe de Thielemann, lorsque je n’ai pas copié moi-même les noms aux sources officielles.
  2. Buchan Telfer, Crimea and Transcaucasia, I 141.