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CHAPITRE XI

Toute la famille loge dans la grande chambre ; on nous cède un des longs côtés du rectangle ; à côté de nous s’établissent les hommes ; en face de nous, arrivent à la nuit les femmes et les enfants ; et enfin, pour compléter la famille, tout un troupeau de petits buffles vient s’installer paisiblement avec les enfants de la maison. L’odorat se fait rapidement aux senteurs un peu fortes de ces milieux rustiques. Elles ont bien leur charme, ces soirées où, après une journée de fatigues, vous savourez votre thé en compagnie des anciens du village qui sont venus faire honneur à l’étranger et satisfaire leur curiosité. Ce sont de vigoureux gaillards, brigands de nature ; ils vous observent avec une curiosité toujours grave, daignent poser quelques questions et répondent par énigmes à celles que vous leur faites. À la lueur vacillante du foyer, quand le sommeil qui vous appesantit ne vous laisse plus qu’une demi-conscience des choses, ces silhouettes étranges, échangeant quelques mots à voix basse, immobiles et dédaigneuses, prennent des aspects fantastiques, et ce rêve éveillé vous laisse d’inoubliables souvenirs.

Mais la politesse de ces montagnards est parfois à charge. Ils ne quittent jamais la place, que nous ne soyons couchés et que nous ne ronflions. Dans les débuts, cela ne laissait pas que de nous ennuyer ; à la longue nous nous sommes habitués à faire notre toilette la plus complète sans nous soucier des gens.


2 Octobre 
départ 7 h. matin.

Le maître de la maison nous accompagne jusqu’à la frontière turque, mais ne la franchit pas, du moins pas par le chemin frayé, car il porte un fusil Martini provenant de l’armée turque, et le fusil lui serait confisqué à la douane.

La frontière coupe la vallée de Baradôst une demi-heure à peine après l’entrée en montagne. Le poste-frontière de Bazirka se trouve une heure plus avant dans la vallée ; celle-ci est nue et sans grand intérêt ; elle offre un terrain admirablement propice aux coupe-gorge.

Avant de nous séparer de notre hôte de Guiänguiätchine, j’achète à celui-ci pour 14 tomans (environ 100 francs) son cheval,