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CHAPITRE VIII

Nos tchervadars sont des traînards incorrigibles, constamment à 200 mètres en arrière, en train de piller les jujubiers. Ils abandonnent leurs bêtes et chaque passage de ruisseau est rempli de péripéties ; les chevaux se poussent à qui boira le premier, les charges cahotent en tous sens et la confusion est complète. À l’un de ces passages nos objets de campement basculent, mais heureusement sans se mouiller. Hyvernat et moi nous voulons rappeler nos hommes au devoir par des arguments ad hominem ; M. Nathanaël, dans son bon naturel, trouve mille raisons pour les excuser ; mais quand au prochain ruisseau son propre cheval vient à s’enliser, roulant toute la charge dans une boue liquide et fine, le bon naturel de M. Nathanaël n’y tint plus, et, puisant dans son répertoire turc ses plus énergiques injures, fouet en main, il se mit, un peu tard, il est vrai, à faire marcher la bande.


Arrivée midi et demi.

Nous enrageons. On nous avait annoncé Khoï à trois heures d’Evoghlou. Au lieu de trois heures, il nous en faut près de sept ! L’absence presque totale de minarets et le peu d’élévation des maisons de Khoï, fait qu’on n’aperçoit presque point la ville avant d’y arriver. On ne voit qu’une longue muraille, et par derrière un rideau d’arbres. Cette muraille, élevée par Mirza-Abbas il y a une cinquantaine d’années, produit de loin un effet imposant ; une contre-escarpe, des créneaux vigoureusement dessinés, lui donnent un air respectable. De loin c’est quelque chose, mais de près ce n’est rien ; le tout est en pisé et, faute d’entretien, tombe en ruines.

Le caravanséraï est assez primitivement installé : des portes ridiculement basses où l’on se cogne régulièrement la tête ; des fenêtres dont les châssis seuls subsistent rendent l’endroit des moins confortables. La cour est remplie de chevaux ; tout est bondé de voyageurs, car demain part la grande caravane des pèlerins schiites qui vont à Kerbéla vénérer le tombeau de Hussein.

Européen, médecin, c’est tout un pour l’Oriental ; on nous