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CHAPITRE VIII

de sel auxquelles il doit sa très forte salure. D’ailleurs, le sel est partout dans ce pays. Au-dessus d’Etchmyadzine les collines de Koulpi forment une seule masse de sel gemme, exploitée depuis les temps les plus reculés ; après Khoï, nous trouverons encore de ces collines ; toutes les nappes d’eau de la Perse deviennent salées, et celles qui dessèchent en été ne laissent à nu qu’un sol aride, couvert de croûtes de sel.

Voici enfin Evoghlou.

Arrivée à 5 1/2 h. soir.

Evoghlou, petit village bâti sur la rive gauche du Kizil-Tchaï, s’étage en terrasse sur le flanc de la colline ; de notre demeure, qui est tout au haut du village, le regard embrasse la plaine brûlée par le soleil, où quelques bouquets d’arbres font seuls tache de verdure ; le toit de la maison voisine, que nous dominons, sert de promenoir.

Par un clair de lune superbe, nous tenons salon avec les anciens du village, réunis pour honorer les « nobles étrangers ». Tous sont unanimes à se plaindre de l’abandon où les laisse le gouvernement, les livrant aux mains de fonctionnaires sans conscience ; ils parlent sans détour, ne ménageant point leurs expressions ; sans le dire tout haut, ils paraissent attendre le jour où la Russie viendra mettre la main sur ce pays et y apporter l’ordre. La liberté de langage de ces gens m’étonne.

Le fameux brigand Kerim est le héros du jour ; tout le pays tremble devant lui. Le chef du village dépeint les dangers de la route sous les plus sombres couleurs ; à l’en croire, nous ne pouvons voyager qu’escortés de tout un régiment ; mais comme ce régiment devrait être composé de gens d’Evoghlou, nous flairons un petit calcul d’escorte à bakschich ; d’ailleurs, nous ne croyons guère aux brigands et moins encore au courage de l’escorte proposée. En cas d’attaque, les deux zabtiés sont déjà de trop ; ils feraient immédiatement traité avec les assaillants pour le partage des dépouilles. La meilleure mesure est tout simplement de pousser de l’avant.