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DE DJOULFA À OURMIAH

Le chef tchervadar a rempli il y a deux jours le rôle de « martyr ». Sa figure blême et contractée, ses lèvres gonflées rendent témoignage de son zèle ; pour tout traitement il a entouré son crâne de bandeaux fortement serrés ; il tremble la fièvre, mais marche pourtant ; comme soulagement, il s’est donné le luxe d’emmener son bourricot qui de temps en temps lui sert de monture.

Du col, le chemin descend dans la vallée du Kizil-Tchaï ; en réalité la descente est très faible, car l’on entre ici dans le système des hauts plateaux, qui caractérise la Perse.

Tout l’aspect de cette région est nouveau pour nous ; pendant quatre heures nous traversons une interminable plaine que dominent à l’Ouest les montagnes de Turquie ; au loin des trombes de poussière soulevées par le vent forment de curieuses colonnes verticales, parfaitement nettes, s’élevant à plus de cent mètres de haut ; elles se déplacent d’un mouvement parallèle avec une assez grande rapidité et restent longtemps avant de se déformer.

L’intelligent Serghis qui s’est lesté de vin dès l’aube a, dédaignant un si vulgaire liquide, vidé toute l’outre d’eau, après le casse-croûte ; sous un soleil de plomb, nous souffrons la soif. Comme devant nous serpente une belle rivière, nous pressons le pas pour y atteindre ; mirage ! ce n’est que le miroitement de grandes plaques d’efflorescences salines ! La plaine en est couverte ; une illusion n’est pas sitôt dissipée qu’une nouvelle lui succède, et la marche devient un supplice de Tantale.

Nous atteignons enfin une vraie rivière, le Zounous-Tchaï[1], affluent du Kizil-Tchaï[2]  : les chevaux se précipitent dans l’eau et boivent avec frénésie ; je saute de cheval en pleine rivière pour étancher ma soif ; l’eau est salée ! C’est jouer de malheur !

Le Zounous-Tchaï[3] passe près de Marand entre des collines

  1. Zounous-Tchaï ou rivière de Zounous. Les cours d’eau portent souvent le nom de rivière (Tchaï) ou eau (Sou) de tel ou tel pays
  2. Fleuve rouge.
  3. Ker-Porter, Travels, i, 219.