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CHAPITRE VII

le fait de son système, ne peut fournir d’employés qui exercent une influence étendue et profonde.

La russification ne peut donc se faire que par l’influence lente de l’éducation et par la compénétration des populations elles-mêmes.

Or l’instruction et l’éducation sont peu répandues, et une hâte trop grande à imposer la langue russe dans les écoles retarde plutôt la compénétration. Quant au mélange des populations, il est très faible. Le Russe a, dans la vieille Russie, trop d’espaces vides pour aller coloniser le Caucase ; la population russe n’y est donc guère représentée que par l’élément administratif qui est essentiellement instable.

Il y a bien en Transcaucasie une population nombreuse de dissidents compris sous le nom général de Raskolniks[1], dont les ancêtres ont été, pour leurs opinions religieuses, déportés de Russie. Cette population, estimée à 30 000 âmes, est en réalité beaucoup plus nombreuse ; mais elle se mêle peu à peu à l’élément indigène, et son influence ne tendrait d’ailleurs nullement à modifier celui-ci dans un sens loyaliste.

Il y a aussi en Transcaucasie quelques milliers de colons d’origine allemande. Mais ils ne sont en aucune façon devenus Russes ; ils vivent strictement entre eux. Leur particularisme et leur prospérité suscitent les plus grandes jalousies. D’ailleurs les Russes qui ont eu les Allemands pour précepteurs et leur ont ainsi forcément laissé prendre une très grande influence chez eux, veulent aujourd’hui s’en débarrasser, et manifestent à toute occasion une haine violente envers eux[2].

Les Russes fussent-ils plus nombreux au Caucase, le mélange des populations se ferait encore d’une manière fort inégale. En absorbant de fait l’Église géorgienne dans son Église nationale, la Russie a fait tomber une grande barrière ; mais cette barrière

  1. Sur les Raskolniks, voir Tour du Monde, 1869, i, 306 et suiv. Buchan-Telfer, i, 112 ; ii, 132, et passim.
  2. À Tiflis, sur quatre personnes influentes que nous avons connues, trois au moins étaient d’origine allemande.