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NAKHITCHÉVAN − LE BEÏRAM-ALI, ETC.

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Sur la rive russe, le poste de Djoulfa[1] se compose de quelques bâtiments de douane et d’un casernement de cosaques ; le poste de Djoulfa-Perse est à peu près sur le même type ; son khân ou, si vous préférez, son hôtel est toutefois chose fort différente des relais russes ; il contient quelques chambres ornées de superbes tapis et a des prétentions au grand genre, pour les prix surtout.

La douane persane fut extrêmement courtoise. Munis de la lettre de recommandation que Nazare-Agha[2] avait bien voulu nous donner, nous fîmes visite au chef de la douane, qui nous reçut avec empressement et, dans des termes empreints d’une solennelle gravité, nous exempta au nom de Sa Majesté le Shah, de tous droits.

La soirée passée sur la terrasse du khân fut délicieuse.

Nous goûtions le sentiment fort agréable d’être délivrés d’une inquiète surveillance policière, et nous nous consolions de nos mésaventures en échangeant les réflexions les moins aimables pour les Russes qui nous regardaient de la rive opposée.

Le coucher du soleil fut une féerie. Devant nous se dévelop-

  1. Les Russes écrivent Djoulf et non Djoulfa.
  2. Je dois ici sincèrement remercier un de mes amis et voisins, M. L. Scheidecker, qui se trouvant en relations personnelles avec S. E. Nazare-Agha, Ambassadeur de Perse à Paris, m’avait obtenu cette lettre de recommandation. Elle est intéressante à titre de document officiel. La lettre écrite en persan, par conséquent de droite à gauche, avait une très grande marge à droite et occupait une page ; le sceau servant de signature, au lieu d’être sur la même page se trouvait au bas de la seconde page, à droite, bien nettement marqué. Chardin rend très bien compte de tous ces détails de politesse. « La quatrième civilité à laquelle ils prennent garde est l’apposition du sceau qui tient lieu de signature ; le profond respect requiert qu’on appose son sceau au dos de la lettre, en bas, à un coin et de l’imprimer si fort sur le bout, que tout le sceau ne soit pas marqué, mais qu’il en manque une partie ; c’est pour dire : « Je ne suis pas digne de paraître devant vous ; je n’ose, par respect me montrer qu’à demi en votre présence ». Il y a trois endroits où l’on a coutume de mettre le sceau aux lettres ; car d’égal à égal on le place en bas au coin, au côté droit, à notre manière, qui est le côté gauche à la manière orientale (à cause du renversement de l’écriture) ; mais si c’est de supérieur à inférieur comme du seigneur au sujet ou du maître au serviteur, on met son sceau en haut ; et, au contraire, si c’est de l’inférieur au supérieur on met le sceau derrière, à demi comme je l’ai dit. » Chardin, ii, 292. Tout le passage est très intéressant à parcourir.