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démontré que leurs ministres (les presbytériens surtout) loin de faire servir la révélation au despotisme, en ont fait le boulevard de leur liberté. Ainsi, l'idée de l'athéisme se propageant en France d'une manière publique, relâchait les liens de cette estime, fondé sur une analogie de gouvernement, qu'ils portent aux Français. Mais l'épurement qui a été fait de la Convention, les mesures justes et sévères prises contre les journalistes désorganisateurs, la manière surtout dont s'est prononcé un des membres vertueux de la Société des Jacobins sur le système de l'athéisme, tout cela rassura sans doute leurs consciences timorées, et les nourrira dans l'estime et l'amitié due à des hommes qu'une seule et même passion anime aujourd'hui, celle de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.

Il existe en Amérique deux partis opposés, l'un qui aime son gouvernement actuel parce qu'il a opéré la prospérité de tous les États et peut-être aussi parce que Washington en a proposé les bases; l'autre qui désirerait un changement, attendu que le gouvernement n'est pas assez populaire. - Presque tous les négociants et la plupart des cultivateurs forment le premier parti; le deuxième est composé d'une grande partie des artistes et de ces hommes oisifs et sans état qui ne peuvent que gagner dans ces sortes de changement. Il n'y a pas lieu à comparaison pour le nombre et pour les moyens; les fédéralistes l'emportent, ils auront le dessus, tant que Washington existera.

Malheureusement le citoyen Genêt parut trop lié avec les anti-fédéralistes. S'il survenait une contestation au sujet des traités entre le ministre et Washington, ceux-ci prenaient de là occasion de soutenir le premier, et d'improuver la conduite du second dans des écrits impropres qu'ils rendaient publics; ils y mettaient tant d'ardeur, que l'on imaginait qu'ils étaient encouragés par le citoyen Genêt et l'on craignait que des divisions et des troubles intérieurs n'en fussent les conséquences. Le rappel du citoyen Genêt était donc nécessaire; c'était le seul moyen d'ôter tout ombrage au gouvernement.

Voilà, citoyen ministre, ce que tu m'as demandé. Je serai toujours prêt à te donner de vive voix des renseignements sur ce que le défaut de mémoire m'aurait pu faire omettre.