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Canadiens leur séparation de ce grand État. Les papiers révolutionnaires nous parvenaient alors; plus d'une fois nous les arrosâmes de nos pleurs; plus d'une fois ils furent portés en triomphe dans des clubs et dans des sociétés particulières au sein desquelles nous chantions l'aurore de la liberté, ses progrès et la lutte contre les nuages épais de la superstition et de la tyrannie. De tels transports alarmaient le gouvernement, le peu de moyens d'instruction qu'offre le Canada lui avait fait croire que ses habitants ne devaient être que des automates, des êtres insensibles à leur état. Insensé! Il ignorait que les hommes de tous les pays apportent en naissant le germe de la liberté. Bientôt les Canadiens se levèrent ensemble pour demander une réforme. Après bien des contestations, l'Angleterre lui donna une forme de gouvernement calquée, à peu de choses près, sur le sien propre. Ainsi le Canada dût à la France, en 1791, une petite amélioration de son sort.

Mais ce nouveau gouvernement n'a pas satisfait les Canadiens. Le veto surtout leur a paru fort étrange; c'était, disaient-ils, donner et retenir à la fois. Et ils ne furent pas longtemps à en sentir les pernicieux effets. À l'ouverture de la première séance de l'Assemblée, il fallut déterminer quelle langue serait le texte de la loi; l'Anglais l'avait été jusqu'alors. Les Canadiens dont la majorité formait les deux tiers de l'Assemblée, représentants d'ailleurs la masse des habitants, insistèrent sur ce que le français fût la langue textuelle et l'emportèrent dans l'Assemblée. Cette langue française avait une grand tort aux yeux du gouverneur; elle avait la première proclamé les droits de l'homme; et que n'en devait-on pas appréhender pour l'avenir?... Aussi le veto fût apposé le même jour. Les Canadiens en ont appelé au gouvernement d'Angleterre (le Parlement) mais que peuvent-ils espérer de gens corrompus, serviles, adulateurs, dont l'or fait les opinions et les statuts?...

Il s'en suit donc que les Canadiens, ces descendants isolés du peuple français, sont malheureux, qu'ils ont le sentiment de leur malheur et qu'ils respirent haine et vengeance contre les Anglais. Mais sans armes, sans direction, sans appui, que peuvent-ils faire autre chose?

Je ne puis terminer cette partie de mon exposé sans exprimer le ferme espoir que j'ai de revoir le Canada, ma patrie, affranchie