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avait été amenée chez nous par ce dernier. J’avais entendu parler d’elle quand elle avait été arrêtée pour avoir distribué des brochures de Félix Pyat alors en Angleterre. Je ne sais pas ce qui se passa entre elle et Blanqui, mais un soir qu’elle lui tendait la main, il refusa de la lui serrer, et s’en alla dîner ailleurs. Elle jura qu’elle se vengerait. Quelques jours plus tard, Blanqui était arrêté…

» On perquisitionna dans notre appartement. Le commissaire de police vit les adresses, mais n’eut pas l’idée de les saisir. Il ne découvrit pas la presse que j’avais cachée. Aucune des six autres, d’ailleurs, ne fut découverte… Malgré l’absence de preuves, Blanqui ne fut pas moins condamné… »

Blanqui souffleté

Mais l’histoire politique de Blanqui est connue. Camille Bias revient aux anecdotes, qui peignent l’homme privé.

— Pendant toute l’année que Blanqui passa à la maison, nous prîmes toutes les précautions pour éviter qu’on le découvrît. Ma fillette nous fut d’un grand secours. Quand il y avait, dans la pharmacie, quelqu’un qui pût le reconnaître, nous envoyions l’enfant sur le seuil. Dès qu’elle l’apercevait, elle courait à lui et l’empêchait d’entrer. Blanqui avait pour elle une affection toute paternelle ; mais il aimait à la taquiner. Ma fillette s’appelait Anne. Il l’appelait Anne d’Autriche.

« — Pourquoi Anne d’Autriche ? lui demanda-t-elle un jour.

» — Parce que c’était une méchante femme !

» — Je suis donc une méchante femme.

Pan ! Elle lui appliqua un sonore soufflet sur la joue. J’entendis le bruit. J’accourus. Je voulus gronder. Mais il s’y opposa.

» — Je n’ai que ce que j’ai mérité, me