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MONSIEUR AUGUSTE

grave s’explique par la nature exceptionnelle du tempérament d’Auguste. Un jeune homme que la fatalité ou la dépravation a placé en dehors des conditions normales de la société humaine, ne s’inquiète pas de ce qui ferait la noble irritation d’un autre. Un soufflet passe comme une caresse sur certaines joues heureusement fort rares. Il y a dans ces malheureuses natures une pusillanimité passive qui n’est pas même la lâcheté. Plaignons et passons.

Octave était mollement étendu sur le divan de son atelier, lorsque Auguste, annoncé par trois légers coups donnés sur la porte, entra et courut à son ami les mains tendues.

Un geste énergique repoussa ces mains, et on entendit un rugissement sourd qui semblait sortir de la peau de tigre étendue au bas du divan.

— Mais, s’écria Auguste en tordant ses mains dans ses cheveux, quel infernal génie me poursuit depuis ma naissance ! qu’est-il encore arrivé de fatal pour moi ! mon seul ami repousse mes mains que je lui tends !

— Ton ami ! tu oses m’appeler ton ami ! dit Octave en lançant un coup d’œil de menace ; tu oses reparaître devant moi ! Va-t’en !… va-t’en !… ou je ne réponds pas de moi.

Auguste laissa tomber ses bras, inclina sa tête et