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MONSIEUR AUGUSTE

à un homme ainsi touché par le losange électrique du ciel.

Le colonel croyait en conscience avoir accompli un double devoir : il avait puni l’insolence d’Octave et vengé l’honneur de son frère. Un pauvre innocent était la victime d’un attentat nocturne, commis par un sentiment honorable. Après son acte de justice injuste, le colonel voulut donner à sa colère le temps de s’éteindre, et il suivit une allée du parc, pour réfléchir au milieu des ténèbres. Dieu sait quelle scène de vengeance fraternelle eût épouvanté cette maison, si le vengeur eût fait tout de suite irruption dans les appartements de Mme de Gérenty ! Il renvoyait l’explication au lendemain pour suivre le conseil de la nuit. Au reste, il y avait eu voie de fait, et il fallait aussi attendre ce qui adviendrait du côté du jeune homme insulté si gravement. Le secret est de rigueur dans ces sortes d’affaires, surtout quand l’honneur d’une famille est en jeu.

Enfin, Auguste se réveilla en sursaut après son rêve de statue, et sa première pensée de vivant le conduisit chez Octave, où il allait trouver, sans doute les consolations de l’amitié.

Il vit briller la lumière du travail aux vitres de l’atelier et il tressaillit de joie. L’accident de l’allée des tilleuls fut oublié. Cette insouciance après une insulte si