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MONSIEUR AUGUSTE


ESCLAVE ET REINE.

Oui, si tu me disais, sous cette voûte sombre,
OU l’amour est si vif et le gazon si frais :
Des feuilles de ce parc je veux savoir le nombre.
D’un air humble, voici ce que je répondrais :
— Dieu seul peut se livrer à ce travail immense.
— C’est vrai, me dirais-tu, mais n’importe ! commence.
Je ne finirais pas, mais je commencerais.

Il y avait, dans ces vers, un sentiment délicat de soumission et d’obéissance passive qui les fit adopter, sans plus long examen, car ils paraissaient résumer la vie d’abnégation que la femme demande au véritable amour.

Ensuite le peintre illustra les vers du poëte par un dessin exquis. C’était un jeune homme qui venait de couper une branche de sycomore, dans un bois, et qui en détachait les feuilles, une à une, en les comptant avec une minutieuse attention.

Ce double travail avait duré plusieurs heures ; le livre fut replacé sur la banquette, et Octave rentra dans le parc pour s’entretenir de son amour avec son cœur, ce confident de la solitude.

Son nom prononcé d’une voix forte le fit tressaillir ; il pirouetta brusquement sur ses talons, et vit à trois pas M. Lebreton, qui paraissait essoufflé dans sa marche.