Page:Méry - Monsieur Auguste, 1867.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
MONSIEUR AUGUSTE

le parfum, le soleil l’amour. Ôtez la femme du plus beau des paysages, il se change en tombeau.

La flèche qui vole à midi perça le cœur d’Octave ; il avait vu Louise, et tout ce que la nature avait, dépensé en amour dans ce paysage, éclata dans l’âme du jeune homme, et lui ravit la raison. Il ne regarda qu’elle. L’univers n’avait qu’une habitante. Ses pieds, en prenant le sentier du perron, marchaient vers le parc, où les poussait une attraction invincible ; une voix manquait au concert de la nature, elle allait se faire entendre, si une femme voulait bien l’écouter.

Louise se leva lentement et sans affectation, déposa le livre sur la banquette, ouvrit son ombrelle, et marcha vers la terrasse, avec une nonchalance qui n’annonçait ni la frayeur d’une rencontre, ni l’intention d’offenser. Octave la regarda longtemps ; et il y avait dans ses yeux humides la vive empreinte d’un souvenir qui lui rendait une image ineffaçable, dérobée à la pudeur, dans une nuit d’extase et de surprise. Octave avait alors sur ses lèvres fiévreuses cette pensée d’un poëme ancien : Ô femme ! laisse tomber ta tunique et tes voiles, et demande des autels !

Il avait ainsi oublié sa mission et la lettre d’un ami : toujours marchant vers la banquette, il en-