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MONSIEUR AUGUSTE

— Trouvez-moi son pareil dans la jeunesse d’aujourd’hui ! c’est prodigieux.

Auguste avait déjà fait son salut amical, et il remontait l’allée de l’embarcadère d’un pas précipité, comme s’il eût redouté un rappel… Sa figure, qu’une hypocrisie naturelle maintenait, devant témoins, dans les lignes de la sérénité, avait repris sa teinte sombre ; il allait devant lui, sans trop se soucier du but de sa course, qui était toujours l’isolement. Énigme de lui-même, il saisissait toutes les occasions de fuir le monde, pour se recueillir et se deviner, et dès qu’il était seul, il aurait voulu aussi fuir sa pensée, de peur de deviner son énigme. Solitude et société lui étaient également intolérables. Parfois, il levait les yeux au ciel, et son regard ressemblait à une interrogation désolée ; mais aucune voix de l’air ne répondait à son pourquoi.

Marchant au hasard, il arriva devant la porte de la maison, traversa le vestibule, monta l’escalier, et se réfugia dans sa chambre, pour ne rien voir et n’être pas vu. Il ouvrit la bibliothèque et la ferma tout de suite, en disant : Tant de livres ! et pas une ligne pour moi. Il s’assit, ôta ses gants et les foula aux pieds. Il ferma les yeux pour provoquer le sommeil, mais il vit alors éclater tant de choses dans l’optique de l’imagination, qu’il les ouvrit pour voir