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MONSIEUR AUGUSTE

— Heureux vieillard !

— Mais, c’est affreux ce que vous dites-là ! monsieur. Vous blasphémez contre la Providence, qui vous a comblé de ses dons ! Vous êtes un ingrat… Alors, couvrez-vous de cendre, prenez des haillons, fuyez le monde. Pourquoi prenez-vous tant de soins de votre personne ? pourquoi vous habiller avec tant de goût ? pourquoi vous faites-vous citer comme le modèle du Journal des Modes ? Veuillez bien m’excuser, monsieur, si j’insiste sur une indiscrétion, mais je veux être démentie deux fois. Vous avez au fond du cœur un désespoir.

Auguste se tut et regarda le plafond.

— J’irai plus loin, maintenant, poursuivit Mme de Gérenty ; il y a ici une jeune fille, très-belle et très-riche, une héritière blonde qui, en entrant a soulevé un murmure d’admiration. Tous les yeux l’ont regardée et la regardent encore. Un seul homme a affecté de ne pas lui donner un coup d’œil. Cet homme aime cette jeune fille… Voilà le désespoir.

Auguste s’obstina, dans son silence, et savoura lentement un verre de Bordeaux.

— Je m’en doutais ! remarqua Mme de Gérenty dans un à parté triomphant.

— Eh bien ! madame, dit Auguste, le désespoir étant admis, ne m’approuvez-vous pas dans ma résolution ?