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MONSIEUR AUGUSTE

elle en avait trente-deux, nombre synonyme de vingt-cinq. À Rome, un jour qu’elle passait au musée du Capitole, devant la Vénus Capitoline, on entendit une voix qui disait : « Voilà le pendant ! Vénus sans crinoline ! » Le mot courut au palais Colonna, chez les jeunes attachés de la chancellerie. M. de Gérenty trouva la rime mal sonnante, chercha le rimeur et le découvrit. C’était un jeune peintre. Il y eut cartel et rencontre sanglante, sous le pic volcanique de Radicoffani, sur un terrain de lave qui n’appartient ni à la Toscane ni au pape. Le peintre fut blessé à mort. M. de Gérenty, ne pouvant rentrer à Rome, trouva un avantageux échange de fonctions diplomatiques à la chancellerie de Constantinople.

Cet incident était ignoré dans la banlieue de Paris, où Mme de Gérenty vivait, loin du monde, en attendant le retour de son mari. La calomnie et la médisance respectaient cette femme, malgré sa beauté merveilleuse et son esprit, et même malgré certaines allures d’indépendance qui font toujours jaser malicieusement les voisins et les amis.

M. Lebreton s’inclina profondément devant Mme de Gérenty ; Auguste daigna lui donner un salut distrait.

— Je me suis fait attendre, dit-elle, en acceptant le bras de M. Lebreton ; mais je viens de recevoir une lettre de mon mari, et il a fallu répondre à la