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MONSIEUR AUGUSTE

entendre de moi seul ; elle retentit en moi de la plante des pieds à la racine des cheveux. Si je vois dans un lointain d’ombre une frange de la robe de cette jeune fille, tout mon corps lui crie : je t’aime, ma bouche seule se tait. Et tu veux ensuite que j’additionne froidement avec elle les chiffres d’un menuet, quand la liberté du bal me livre cette proie d’amour ? Oh ! non, je n’applique pas à mes passions mes études en mathématiques. Je voudrais avoir alors les cent bras de Briarée, et dussé-je comme lui être écrasé par l’Etna, je l’enlèverais, à chacun de mes bonds, pour la rapprocher de mes lèvres, et boire son souffle, m’enivrer de son parfum, effleurer ses cheveux, vivre une minute dans le brûlant voisinage de toutes ses beautés. Dis-moi, maintenant, y a-t-il dans ton vocabulaire de glace un mot qui t’exprime ma passion ?

À ces derniers mots, le jeune Octave semblait avoir atteint le paroxysme de la folie amoureuse : ses yeux lançaient des flammes, ses lèvres frissonnaient de convulsions, ses boucles de cheveux noirs s’élevaient au-dessus du front et retombaient sur les tempes, comme si une main invisible eût réglé ce double mouvement.

Auguste regardait son ami avec des yeux remplis d’une expression étrange ; il ne s’attendait pas sans