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MONSIEUR AUGUSTE

— Ah ! Octave, mon petit Octave ! tu seras donc amoureux toute ta vie ?

— Eh ! je commence à peine, mon grand Auguste ! Ah çà ! mais, tu viens me professer, la morale au lever du soleil ! ta montre avance de cinq heures sur l’horloge de la Sorbonne ? Laisse-moi donc me réveiller. Si tu continues tu vas m’endormir.

— Je suis ton ami, Octave, n’est-ce pas ?

— Oui, mais donne ta démission de professeur.

— Mais, au moins, tu accepteras mes conseils ?

— Oui, à condition que tu ne m’en donneras pas.

— Adieu, Octave, je vais attendre le réveil de ta raison.

— Eh ! mon Dieu, reprit Octave en trépignant, je connais ta vieille chanson ; je vais te l’accompagner au piano. Tu me la chantes toutes les fois que je m’approche d’une robe de satin. Tu vas encore me citer des vers de Juvénal et de Boileau contre les femmes. On connaît le sexe de ces deux coquins…

— Octave ! Octave !… ces deux grands poètes…

— Sont deux grands scélérats comme tous ceux qui disent du mal des femmes. Si Juvénal vivait à Rome, aujourd’hui, il serait engagé par le pape, comme soprano, à la chapelle Sixtine, et Boileau chanterait un duo avec lui, à l’unisson. Ne me parle plus de ces gens-là.