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MONSIEUR AUGUSTE

quand les crêpes du deuil couvrent toutes les saintes images.

Une curiosité d’Ève brûla les doigts de la jeune fille ; une mystérieuse attraction retenait son regard sur ce tableau, qui devait être bien curieux puisqu’il était invisible, et religieusement exposé comme une relique, entre deux vases de fleurs.

Louise prêta l’oreille, et entendit son père commençant l’histoire d’un petit lac qu’il devait faire creuser au milieu de son parc. M. Lebreton racontait ce projet de lakiste à tous ses amis, et il entrait dans les plus grands détails topographiques. Louise connaissait la longueur de ce récit paternel, et elle comprit que ce temps lui suffisait pour voir l’invisible, sans être dérangée par des importuns.

Avec une adresse toute féline, elle délia le nœud de rubans qui liait le voile au sommet du tableau, comme ferait un chat espiègle, s’il était amateur de peinture, et elle vit d’abord poindre un visage merveilleux, et dans un relief saisissant. Un cri de stupéfaction fut à propos retenu sur des lèvres ; Louise se reconnut du premier coup, comme si elle se fut placée devant un de ces miroirs réductifs que les Anglais ont inventés pour se faire rire. La main égarée sur le voile hésita un peu avant de poursuivre la découverte, mais le démon d’Ève conseillait tou-